Réussir
AUSSI
à l'école rurale
Compte-rendu
du colloque
organisé par la FNER
à
l'IUFM d'Auvergne, les
lundi
26 et mardi 27 octobre 2009
|
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Les
enjeux du colloque
"On
réussit aussi bien voire
mieux à l'école rurale".
Cette constatation, certes flatteuse et d'ailleurs amplement
démontrée, mérite cependant qu'on aille plus
loin dans la réflexion et les propositions.
Ce fut l'objet de ce colloque, inscrit dans la continuité de nos
précédentes
rencontres, mais
en un lieu et sur une problématique davantage axés sur la
formation
(l'IUFM, les pairs, etc.), problématique dont voici les principaux
aspects :
-
qu'est-ce que "réussir
à
l'école" pour un enseignant (ses élèves), pour un
parent (ses
enfants), pour un élu, un maire (son école), pour un
enfant
lui-même.
- comment "évaluer" une
réussite, "la" réussite.
=> creuser la question de
l'évaluation, de ses dérives ;
- réussir quoi ? des exercices, une
vraie construction personnelle à travers les savoirs,
l'environnement et le vécu scolaires ? Y a-t-il des
réussites plus
spécifiques à l'école rurale ?
- réussir pourquoi ? réussir comment
? sous quelles conditions ?
=> matériel, locaux, espaces...
=> pédagogie : multiâge, classes
à plusieurs cours, réseau... ?
=> formation : laquelle, comment,
où, par qui... ?
- l'échec scolaire, et son
"traitement" eux aussi présentent-ils des aspects propres
à l'école rurale ?
Vous
pouvez toujours envoyer vos
témoignages (le
vôtre, ceux de vos
proches, ceux de vos élèves ou de vos enfants) sur
ce que vous entendez par réussite
scolaire, de
façon
générale, mais aussi dans les détails, avec des exemples concrets.
Exemples non limitatifs :
- Je suis enseignant : le matin en me rendant à mon école, qu'ai-je
envie d'y réussir ? (ai-je envie d'y réussir quelque chose ?)
Le soir, en en revenant, qu'ai-je le sentiment d'avoir réussi ?
Et tout ceci est-il en phase avec ma conception de l'enseignement ?
- Je suis écolier : mêmes questions (sauf peut-être la dernière !)
- Je suis parent : mêmes questions (quand j'envoie mon enfant à
l'école, qu'est-ce que je souhaite qu'il y réussisse ? Et le soir,
quand
il revient, etc.)
- Je suis élu : que signifie pour moi une école qui réussit, des élèves
qui y réussissent, et qu'est-ce que je fais, j'aimerais faire, je peux
faire, je ne peux pas faire pour y arriver ?...
Témoignages à diffuser sur la liste FNER (si vous en faites partie), ou
à envoyer au secrétariat, sous n'importe
quel format : papier, cassette audio, message électronique, fichier
son...
C'est essentiellement leur sincérité, ainsi que leur
nombre et leur variété, qui donneront de la valeur à ce travail :
langue de bois s'abstenir !
Un grand merci à tous les participants !
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L'avis
des
différents acteurs de l'école
- Ouverture du colloque
- M. Busuttil,
directeur du site IUFM de Chamalières, souhaite la bienvenue dans
son
établissement aux participants, soulignant au passage que le milieu
rural, s'il peut parfois évoquer le "vide", est en réalité riche de
travaux, d'expériences et de réalisations de toutes sortes menées
par
ses différents acteurs.
- Étienne
Anquetil, président
de la FNER, présente le colloque.
Ouverture du colloque
Mr
le Président de l’Association des Maires Ruraux,
chers
collègues et amis,
Mr
le directeur de l’IUFM
Bonjour
à
tous et bienvenue
[...] La
FNER qui cherche à défendre et promouvoir l’école rurale
organise depuis maintenant 6 ans des rencontres, colloques (colloque
étant le mot à la mode pour désigner les rencontres ou les
journées d’études) autour
d’un théme : l'’école rurale en France et en Europe, les réseaux
d’école, les parents et l’école rurale, le collège rural... Elle tente
de construire au fil du temps une réflexion, une recherche
qui lui a permis entre autres de bâtir “Un
véritable projet pour
l’Ecole Rurale” et de se positionner par rapport à l’actualité,
grâce à une capacité de réaction sur des projets gouvernementaux.
La
FNER
milite pour défendre l’hétérogénéité des classes à
plusieurs cours et une école à l’échelle de l’enfant.
“Réussir
AUSSI
à l’école rurale”
L’idée
de
ce colloque, du titre et de la thématique est venue en 2007.
Depuis
longtemps
dans nos rencontres nous avancions des données qui
faisaient référence, à savoir les travaux de Françoise Oeuvrard
de la DEPP, mais aussi, grâce à un partenariat de plus en plus
soutenu, ceux de l’Observatoire de l’Ecole Rurale désormais appelé
Observatoire Education et Territoires,
données qui
allaient toutes dans le même sens d’ailleurs : l’école rurale n’a
pas à avoir honte, ses résultats sont bons, voire meilleurs que
ceux des autres écoles. Donc c’est une école qui globalement
réussit, même si certains élèves peuvent avoir des difficultés
d’apprentissage.
Mais
que
recouvre plus précisément ce terme de “réussite” ?
Quand
on est maire, élu, parent, enseignant, élève ?
Telle
sera l’entrée principale et le fil conducteur de ce colloque.
En
2007
don,c la réforme qui propose de réduire la semaine scolaire de
deux heures, impose aux enseignants de mettre en place des heures
d’aide personnalisée pour les élèves en difficulté.
La
question
s’est donc posée aussi dans les petites écoles rurales
de prendre en charge ces élèves en dehors du temps scolaire, donc
de créer des groupes d’élèves pour les faire progresser, pour
travailler sur certaines difficultés (en mettant éventuellement
d’autres élèves à l’écart) pour les aider à réussir.
Qu’est-ce
qui
est différent dans ces écoles qui peut aider les élèves à
réussir, les mettre en situation de réussite, quelles réussites à
l’école rurale et comment les évalue-t-on ?
Au-delà
de
ce questionnement et lorsque l’on regarde en arrière sur ces
dernières années, l’histoire de la FNER au fil des rencontres est
toujours marquée par une même problématique, qui revient dans tous
les débats, celle de la formation
des enseignants:
-
formation
initiale des professeurs d’école,
-
mais
aussi formation continue,
-
attractivité
des postes en milieu rural,
-
connaissance
du territoire et capacité à travailler en équipe et en réseau....
En
témoigne
d’ailleurs la lettre adressée au
ministre de l’Education
Nationale sur la formation cosignée avec différents syndicats et
associations (SNUipp, SE, SGEN et Association des Maires Ruraux)
en
2005, renouvelée en 2006 (voir dossier).
Il
était
donc logique que ce colloque ayant lieu à l’IUFM
s’intéresse aussi à cette question de la formation initiale, mais
aussi continue, à l’heure où la réforme des IUFM va
considérablement modifier l’entrée dans le métier des nouveaux
enseignants.
Ce
sera
d’ailleurs l’objet de l’intervention d’Anne Bouju de
l’IUFM d’Orléans-Tours mardi matin.
Maintenant
un
mot sur le programme d’aujourd’hui :
-
des
témoignages ce matin : témoignages écrits, audio
et vidéo (d’élèves, de parents,
d’enseignants, d’élus) ; à noter l’absence de Mmes
Thuillier et
Luccioni pour raisons personnelles, qui avaient une expérience
intéressante à nous présenter avec des classes maternelles à
plusieurs cours, et dont vous pouvez retrouver un compte-rendu,
extrait des
cahiers pédagogiques n°456 d’Octobre 2007 (voir dossier).
-
la
pause de cet après-midi sera de 30 minutes, nous reprendrons à 16h00
et ferons un point sur les différentes questions d’actualité,
avant l’intervention d’Evald Maillet.
Pour
demain
: en
fonction de l’effectif nous serons amenés à modifier les groupes
de travail en atelier, nous vous en reparlerons demain matin.
[...]
Voilà,
je
vous souhaite à tous un bon colloque qui vous permettra j’espère, de
réussir à l’école rurale !
Étienne
Anquetil
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Témoignage de Vanik Berberian
Les maires ruraux sont très sensibles à l'avis du public et des acteurs du
monde rural.
Ils sont inquiets des réformes territoriales qui
sont annoncées, car elles risquent de faire perdre son caractère au
milieu rural.
Ils accordent une grande importance à l'école (sa
réussite, les relations avec l'équipe enseignante...) mais trouvent
qu'elle coûte beaucoup.
Les conseils d'école révèlent des raideurs, des
tensions entre les élus, les enseignants et les parents, chacun campant
sur ses certitudes... Une collaboration plus riche est nécessaire, qui
pourrait déboucher sur un véritable cahier
des charges. Le
rôle du maire pourrait être alors celui de médiateur.
L'Association des Maires Ruraux doit promouvoir l'école
rurale auprès des collègues maires.
Le CDEN : uniquement consultatif donc assez inutile,
car son fonctionnement est ritualisé (exemple : opposition à la carte
scolaire proposée par l'IA - prononcée parfois par ceux-là même qui
prônent des restrictions de postes, mais ... ailleurs que dans leur
commune - opposition d'ailleurs sans risque, puisque de toute façon
cette carte scolaire sera quand même appliquée. Il est dommage
qu'aucune instance ne permette des échanges entre l'administration, les
enseignants, les parents.
Les rapports des maires avec les IA et aussi le
ministre sont souvent difficiles, tendus, voire discourtois (cf. X.
Darcos). situation récemment aggravée par la mise en place du service
minimum d'accueil et la modification des rythmes scolaires,
instaurés dans l'urgence, sans concertation.
Les maires ruraux ont le sentiment de "ne pas être à
la noce" en ce moment, de ne pas être aidés par les médias... Ils sont
en grande demande d'information.
Il faudrait changer la perception des territoires
ruraux qu'en a le plus grand nombre, par exemple par une meilleure mise
en avant des points positifs : accueil, patrimoine...
Il est vraiment dommage de vouloir imposer un modèle
unique au milieu rural, comme les regroupements, que ce soit à l'école
ou dans d'autres secteurs comme la gendarmerie, la SNCF... Les maires
ruraux et la population n'ont plus d'interlocuteurs, les services ayant
été délocalisés et regroupés en ville, alors
que le public demande de la proximité
(voir les taux élevés de participation aux élections municipales).
On s'avance vers une suppression des petites
communes. « Il y a trop de communes en France », entend-on dire. Mais
sur quels critères ? Cette concentration va à l'encontre des avancées
des décennies précédentes. Les échelles dans le milieu rural sont
différentes de celles du milieu urbain. La densité de population est
plus faible, les distances plus grandes.
L'école numérique rurale (ENR), autre sujet de
discorde. Tentant de retrouver grâce aux yeux des maires, le ministre
d'alors (Xavier Dorcos) lance le plan ENR : 5 000 écoles devaient en
être bénéficiaires. En fait, comptant sur un manque d'enthousiasme, 2
000 seulement avaient été budgétisés, ce qui a fini par être avoué
devant la demande qui a atteint les 8 000 ! Et ce malgré un lancement
après les votes des budgets municipaux (fin mars, car les communes
financent quand même pour partie ce plan). Enfin, 20% étaient réservés
aux écoles privées, obligeant au passage les communes à des
financements qui ne leurs sont d'habitude pas dévolus. Sur les 8 000
demandes, rares sont donc celles qui ont été satisfaites jusqu'à
présent, malgré divers courriers envoyés à Luc Châtel, aux présidents
de la commission (MMrs Rocard et Juppé...). L'AMRF pèsera de tout son
poids pour que les demandes soient acceptées.
Le statut de l'enseignant a changé : en général il
habite en ville, il ne s'investit pas dans la vie locale.
Il serait souhaitable que les parents, les
enseignants, et les maires connaissent leurs champs de responsabilités
et leurs limites.
Notes : Eliane Baron
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Témoignage de Pierre Souin
Il
faut créer une dynamique autour de l'école, animer la commune, il y
a en effet beaucoup de liens sociaux qui se construisent autour de
l'école. Les nouveaux habitants doivent être associés à la vie de la
commune, de l'école, par exemple en pouvant venir en classe, manger à
la cantine, se rendre compte de la vie de l'école...
Les enfants de l'école qui vivent dans des classes
hétérogènes développent et s'apprennent des compétences qui ne sont pas
a priori dans les programmes (éclairage, son, p. ex.). Ils
s'investissent dans la vie de la classe, de l'école et
parfois, plus tard, dans la commune.
Les enseignants ruraux ne reçoivent plus de jeunes
stagiaires, les enseigants ont perdu le droit au logement : il y a donc
une désaffection des jeunes pour le milieu rural. Les enseignants ne
doivent pas se désengager de l'école rurale ni de la gestion
municipale. Être maire, c'est avoir un impact important et aussi agir
pour l'école.
Couplée à l'article 89, la loi Carle est un vrai
danger pour les communes rurales, par l'introduction d'une obligation
de financement de l'école privée.
Si les EPEP se mettent en place, les communes
n'auront plus leur mot à dire quant à l'implantation des écoles, la
fermeture d'autres, le tout décidé par la communauté de communes,
c'est-à-dire trop souvent par la plus importante d'entre elles ! Il
faut donc que les communautés de communes refusent la compétence
scolaire et que l'on garde une école par village !
Il faut savoir que selon la loi, les communautés pourront concerner
plus de 50 communes. Leurs présidents, soucieux de carrière politique,
suivront les consignes de leurs partis : ils n'hésiteront pas à créer
des EPEP, assortis alors de transports scolaires plus longs que ceux
qui concernent déjà les RPI, avec toutes les conséquences négatives
envisageables. Il faut donc préserver l'école publique du village,
souvent le dernier bastion des services publics en milieu rural.
Notes : Eliane Baron
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Témoignages de parents
1-
Réussir
à l'école, c'est réussir l'école tout court. Mais dans le mot
réussir, nous n'intégrons pas forcément la réussite en terme de
résultats scolaires. Pour nous, c'est un espace d'intégration qui
normalise la vie et les relations sociales extra familiales. C'est le
lieu de la communication et de l'échange dans la richesse. C'est
aussi là que nos enfants vont pouvoir appréhender la vie. La chance
de l'école rurale, c'est justement qu'elle soit rurale. Elle permet
souvent de pouvoir expérimenter en "grandeur nature" ce
que les manuels et professeurs enseignent. La ruralité est un
véritable atout (y compris dans la rencontre, car elle ne peut
sectoriser et discriminer les enfants selon des critères
"primitifs") ! Parents
d'une fillette vive intellectuellement mais aussi "perturbatrice",
nous avons pu avoir un dialogue de qualité avec l'enseignant afin de
s'entraider pour que d'une part, notre fille soit moins dissipée et
soit donc plus assidue, d'autre part pour que l'enseignant puisse
travailler dans de meilleures conditions avec sa classe et notre
enfant et enfin, pour nous, nous permettre de comprendre le
fonctionnement même de notre enfant. Cette richesse de l'échange,
aucun parent autour de nous qui scolarise son enfant dans un grand
RPI ou une école purement urbaine n'a pu en profiter. Car de la
taille d'une école dépend aussi la "reconnaissance".
En
fait, la réussite de l'école rurale, c'est d'être ouverte. Les
enfants s'y intègrent, les parents qui le souhaitent peuvent
contribuer à sa réussite et les enseignants qui y sont, s'ils le
souhaitent également, peuvent vraiment s'impliquer dans les missions
pédagogiques qui leurs sont confiées. Nous sommes plus que
satisfaits que nos enfants puissent fréquenter une école à taille
humaine.
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2- Je
suis maman de deux filles qui toutes deux ont eu la chance de
fréquenter une école rurale depuis la maternelle jusqu’en CM2
(c’est le cas actuellement de la 2ème. L’aînée est aujourd’hui
en 4ème).Leur
réussite, ce ne sont pas les notes qui figurent sur leurs bulletins,
c’est leur curiosité, leur autonomie, leur capacité à vivre et
coopérer avec les autres. C’est leur faculté à toutes deux
de se faire des copains et des copines de tous âges (ce que je n’ai
presque pas connu dans mon enfance en ville, dans des classes à un
seul niveau), de dialoguer avec les adultes (qui les respectent, leur
donnent la parole, ont foi en leurs capacités de réussite ( !) et
savent leur communiquer, les guident dans leurs apprentissages…),
c’est le vrai souci de l’autre dans sa différence qu’elles
partagent au quotidien.
Je me dis qu’elles réussissent
par exemple :
- quand elles participent en classe sans avoir
peur de se tromper…
- quand la plus jeune décide toute seule
de faire un exposé sur les timbres après que son grand-père lui
a donné sa collection
- quand au cours d’un déplacement en
train qu’elles effectuent seules et qui prend une heure de retard,
elles trouvent les moyens de ne pas paniquer et de patienter, de
discuter avec des adultes et de prévenir sans avoir recours à leur
entourage puisqu’elles n’ont pas de téléphone portable
-
quand l’aînée s’insurge en tant que déléguée en conseil de
classe contre une bonne note en vie de classe d’un élève qui
profère régulièrement des propos racistes, quand elle est élue
une année représentante des élèves en conseil de discipline puis
l’année suivante au conseil d’administration du collège, pour
prendre sa place, représenter ses camarades, avoir voix dans la vie
du collège…
Dans tous ces petits faits et gestes, je
retrouve un peu (beaucoup devrais-je dire) de l’école d’ici, de
sa classe maternelle (quel joli adjectif) et de ses deux classes
primaires.
Une école qui me donne souvent l’envie de revenir
en enfance pour retourner à l’école.
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3- "Contre
la tyrannie du concept de réussite"
Depuis les années 90, le
spectre de l’échec et de la difficulté sociale ont imposé dans
la vie publique et le vocabulaire officiel éducatif le terme de «
réussite » ; aujourd’hui, de tous bords, nous voyons les
politiciens, les éducateurs, les pédagogues, les scientifiques, les
chercheurs, se mobiliser pour produire la réussite de nos enfants ;
le terme de réussite éducative est ainsi venu remplacer celui
d’échec (échec scolaire en l’occurrence), sans que l’on
s’aperçoive que ce renversement n’est en rien neutre dans ses
implications et conséquences.
La réussite est ainsi
devenue une obligation y compris dans sa faillite, son naufrage, ses
souffrances ; on est ainsi invités, nous tous, comme adultes à
réussir nos divorces, nos dépressions, nos maladies. Une sorte de
positivisme semble régner sur la vie sociale et culturelle et la
réussite en est devenue le mot d'ordre.
Or il y a des domaines,
qui, plus que d’autres, dévoilent l’aspect absolument dérisoire
du concept de réussite ; il en est ainsi de l’art et de la
parentalité.
Qu’est ce que la
réussite en art ? Le prix, l’émotion suscitée, la qualité d’une
expression, la fidélité d’une image, la valeur reconnue ?
La même incertitude se
retrouve dans l’emploi du mot « réussite » dans le domaine de la
parentalité.
Le terme de réussite
peut il avoir du sens appliqué aux parents ? Est-ce que l’on peut
réussir comme parents comme on réussit une carrière ou un objectif
(et si oui, lequel) ?
Cette réussite
portera-t-elle sur le nombre d’enfants que l’on a ? (Il y a des
époques ou des régions où ce critère sera considéré comme le
plus pertinent). S’agirait-il de parvenir à maintenir des
relations durables avec le conjoint ? Cela concernerait-il le niveau
scolaire atteint par sa progéniture ? L’insertion
professionnelle obtenue ou le fait qu’ils ont le sentiment d’avoir
réussi leur vie ? Leur bonheur ? Le fait qu’ils savent entrer en
relation avec d’autres et qu’ils ne sont pas condamnés à la
solitude ? Leur culture ? Le goût qu’ils ont d’apprendre, de
connaître ? Leur joie de vivre ou l’intelligence de leur
discussion ?
L’on imagine bien que
chaque époque a sans doute inventé des pistes - mais pas plus -
pour que les parents aient une certaine idée de ce que voudrait dire
réussir ?
Et si réussir en tant
que parents c’était d’arriver à ce que l’enfant, à partir de
nous, mais avec bien d’autres contacts ait pu apprendre à être
apprécié par d’autres ?
Réussir en tant que
parents n’a pas de sens car ça a trop de sens pour se contenter
des sens uniques ; cette réussite parentale n’a ainsi pas plus
d’épaisseur que l’idée de réussir sa vie.
Je plains, au passage,
ceux qui ont, au sujet de leur propre vie, l’ambition de la
réussir, comme si c’était une entreprise, une société anonyme
ou une boucherie charcuterie. Il vaudrait mieux encore dire qu’il
faudrait réussir des vies, vies publiques, privées, amicales,
amoureuses, culturelles, artistiques.
Réussir sa vie c’est
réussir à ce qu’il y ait de la vie, du mouvement, du changement,
de l’échange, de la transformation. Dans cet ordre d’idées,
accompagner un enfant, en tant que parent, cela reviendrait à
l’encourager à avoir le plus de vies possibles, le plus de vie
tout court, à « être plus » (« Ser mas »), selon l’adage du
grand éducateur brésilien, Paulo Freire.
Et du coup, on voit bien
ce que cela veut dire pour nos enfants : leur montrer le monde, le
plus de différences possibles; introduire nos enfants dans les
diversités sociales, culturelles, historiques ; les aider à se
projeter sur autrui, à réfléchir sur les autres ; les accompagner
sur les chemins de l’imaginaire pour les inciter à s’inventer
d’autres vies que celle qu’ils ont.
A ce titre là, à cette
condition là, nous aurons des enfants pleins d’épaisseur,
capables de voir, d’entendre le monde et les autres. Y a-t-il plus
grande réussite que cela ? »
Laurent
Ott
« Être parent c’est pas un métier » Fabert 2008
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1- Classe de CM1/CM2 (transcription des
réponses écrites par les enfants ; les redites ont été supprimées)
Réussir à l'école, c'est...
-
C'est quand je travaille bien, quand je fais de mon mieux.
- C'est bien travailler, pour être intelligent.
- Réussir à l'école apporte beaucoup de choses : apprendre et avoir un
bon métier avec beaucoup d'argent, savoir bien écrire, bien parler...
- C'est bien travailler, ne pas bâcler, bien réfléchir. Et ça peut nous
servir pour plus tard.
- C'est comprendre.
- Réussir à l'école, c'est déjà bien travailler, et ça sert à réussir
dans notre vie pour plus tard. Plus on travaille, plus on réussit, donc
bien travailler, c'est réussir !
- C'est se concentrer.
- C'est aider les uns et les autres, se respecter, travailler comme il
faut ; et vous qu'en pensez-vous ?
- Réussir, c'est quand on nous félicite.
- C'est avoir des bonnes notes dans toutes les matières.
2- Classe de CM1/CM2 (transcription des
réponses orales)
- Pour moi, la réussite scolaire, ça veut dire respecter les règles,
avoir de bonnes notes, être gentil avec ses camarades.
- C'est de bien travailler à l'école, de respecter tout de monde. On
peut quand même redoubler des classes.
- Pour moi, réussir à l'école, c'est avoir de bonnes notes pour réussir
plus tard. C'est aussi se faire des amis et savoir respecter des règles
de vie.
- C'est avoir des amis, avoir une bonne note, avoir un gentil maître ou
une gentille maîtresse, faire du sport, regarder un film de temps en
temps.
- Réussir à avoir des copains, réussir à avoir des bonnes notes,
réussir à faire un super spectacle de fin d'année, réussir à écouter le
maître et la maîtresse, réussir à travailler tout seul, réussir à faire
attention à ce qu'on fait et à ce qu'on dit.
- Pour moi, réussir à l'école, c'est faire de bonnes études, avoir un
bon travail et réussir dans ma vie. C'est aussi avoir des copains pour
m'amuser, faire de nouvelles rencontres, apprendre des nouvelles
choses, apprendre la vie en commun.
- Pour moi, réussir à l'école c'est : avoir des amis, avoir des bonnes
notes en dictée, apprendre des choses, manger de bonnes choses à la
cantine et avoir un gentil maître.
- Réussir à l'école, c'est avoir un bon bulletin, respecter toutes les
personnes de mon entourage et aussi les enfants, écouter les maîtres et
les maîtresses quand il faut, ne pas faire de bêtises.
- Pour moi, réussir à l'école, c'est avoir de bonnes notes et bien
travailler pour faire plaisir à mes parents.
- C'est passer en CM2, se faire des copains, avoir une image [et
pourtant, ni bon point ni image dans cette école depuis le CE1...].
- Pour moi, réussir à l'école, c'est bien réussir les bilans, avoir des
bonnes notes et profiter des maîtres et des maîtresses.
3- Classe de
CE2/CM1/CM2 (enregistrement sonore ; témoignage du
maître à la fin)
4- Classe de CE1/CE2 (d'après
les
réponses orales des enfants, transcrites par la maîtresse)
Qu’est-ce
que
j’ai envie de réussir aujourd’hui à l’école ?
-
ma journée : ne pas faire trop de fautes, ne pas me fâcher dans la
cour avec mes copines et jouer à plusieurs jeux,
-
ne pas être seule dans la cour,
-
les maths: ne pas faire de fautes et avoir une bonne note,
-
avoir un TB+
ou un excellent,
-
les mercredis, je veux réussir la dictée : avoir une bonne note,
-
j’aimerais réussir mon bilan (histoire, sciences, grammaire),
-
mes bilans pour que mes parents soient fiers de moi quand je les
leur
montre,
-
avoir une bonne appréciation dans le livret scolaire : beaucoup de A
(=Acquis) et des bons commentaires,
-
avoir une bonne moyenne,
-
à avoir le résultat du bilan fait la veille,
-
avoir un compliment de la maîtresse parce que j’ai bien fait une
bonne recherche,
-
ne pas avoir de punition,
-
qu’il ne me manque pas de matériel dans ma trousse, qu’il ne me
manque rien dans mon cartable pour faire mes devoirs,
-
être sage pour faire plaisir à la maîtresse,
-
penser à lever la main avant de parler,
-
à faire les exercices en même temps que les autres,
-
à ne pas avoir trop de travail à terminer à la maison le soir,
-
à arriver à l’heure le matin.
Qu’ai-je
réussi aujourd’hui à l’école ?
-
ne pas avoir de punition ou de barre : j’ai réussi à me tenir
tranquille en classe, à être sage, à lever la main pour prendre la
parole, à ne pas bavarder,
-
la dictée, je pense que je m’en suis bien rappelé et que je me
suis bien appliquée et relue,
-
je sens que j’ai réussi mon bilan,
-
j’ai fait mes exercices de maths ou de grammaire justes,
-
ne pas ramener de travail en plus le soir,
-
je ne me suis pas fait remarquer en classe et je me suis bien amusé
aux récréations.
-
je ne me suis pas ennuyée dans la cour,
-
j’ai bien joué dans la cour et ça me rassure pour la classe,
-
je ne rentre pas trop fatigué (enfant dyslexique)
-
quand on est nouveau, une journée réussie, c’est une journée
pendant laquelle on s’est fait des copains,
-
je ne me suis pas disputée avec mes copines.
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Bibliographie
sommaire
Jean PAULY :
L'année
des quarante jeudis, chroniques d'une petite école (Editions Odilon)
Bernard COLLOT : Une école du
3ème type, ou la pédagogie de la mouche
(éd. de l'Harmattan)
Pédagogie de la
Structure et de la Communication (éd. CREPSC, 38690
LONGECHENAL)
Ecole
rurale, communication et technologies nouvelles, ouvrage
collectif (INRP)
Enfants,
école et territoires,
ouvrage collectif (FNER, 86150 QUEAUX)
Jean-Luc FAUGUET :
Radiographie du peuple lycéen, ouvrage
collectif (éd. ESF, Paris, 2005)
L'enseignement
scolaire
en milieu rural et montagnard, ouvrage collectif (Presses
Universitaires Franc-Comtoises, Besançon)
Sociologie
de l'école rurale, avec
Yves Alpe (éd. de l'Harmattan)